Adda Senani : “Le seul qui peut vous arrêter, c’est vous-même”
Rencontre avec Adda Senani, un jeune acteur qui nous parle de son premier projet réalisé : Fièvre. Plein d’ambitions, il évoque ici son parcours, ses expériences passées et celles à venir.
Peux-tu te présenter, ainsi que ton parcours, rapidement ?
Bonjour, je m’appelle Adda Senani, je suis originaire du 91 et j’ai commencé le cinéma en 2016. J’ai eu mon premier rôle dans Madame Hyde de Serge Bozon, aux côtés d’Isabelle Huppert, José Garcia et Romain Duris. Après ça, je suis entré en agence chez Adéquat, avec qui je travaille depuis maintenant 4 ans. J’ai fait plusieurs projets avec eux, visibles sur le site de l’agence.
Cela a-t-il été dur de trouver ta place dans le cinéma ?
Je n’ai pas trouvé ça dur. Ça devient dur quand être acteur se transforme en une sorte de caprice pour les gens, car ils courent derrière quelque chose. Moi j’étais à l’école, ça se résumait à trois castings en deux ans, ce n’était pas ma priorité. Quand j’ai été pris pour le rôle dans Madame Hyde, j’ai été contacté par un agent et les choses se sont faites toutes seules, c’était fluide.
Quelles sont tes inspirations, tant dans ce que tu traites à l’écran que dans les professionnels qui auraient pu te donner envie de faire ce métier ?
Pour Fièvre, j’ai été inspiré par Dog Pound de Kim Chapiron et par la scène de fin du film de Jacques Audiard, De battre mon cœur s’est arrêté. Dans ces scènes bizarrement, je n’ai retenu que les bagarres qui sont très moches et très réalistes. Ce réalisme m’a inspiré.
Tu viens d’évoquer Fièvre, ton premier court métrage, que tu as produit toi-même. Que représente-t-il pour toi ?
J’ai réalisé Fièvre avec Jeremy Liccardo D’angela. Il représente pour moi ce qu’on peut faire quand on a la dalle. Parce que Fièvre ne représente pas seulement le film que j’ai écrit, mais aussi tous les problèmes autour (blocage de la mairie, manque d’argent…). C’est mon bébé et je suis content de l’avoir fait, avec ses qualités et ses défauts. Avoir réalisé ce film avec aussi peu de budget et tant de problèmes est un grand accomplissement pour moi. Il représente également un hommage à un ami décédé, qui m’avait encouragé à écrire. Tout cela est très important pour moi.
Un message découle de Fièvre, celui d’une définition de la violence. Quel regard poses-tu là-dessus ?
Je ne pense pas qu’il y ait un message, en tout cas ce n’est pas ce que j’ai voulu faire. À la base, Fièvre est un devoir de philosophie : “Est-ce que la place de l’Homme dans la société peut l’amener à l’apogée de la violence ?”. J’ai donc écrit quelque chose qui apparaît sur le site du film, où j’essaie d’expliquer tout ça. Mais il n’y pas de message en tant que tel. En effet dans Fièvre, il n’y pas de gentils et de méchants : on peut voir des policiers qui discutent et qui ne sont pas d’accord avec ce qu’il se passe, des jeunes qui s’embrouillent entre eux. Le film sert à faire réfléchir mais ne délivre pas de message, juste une question. Je ne cherche pas à mettre une réponse précise dans la tête des gens, je souhaitais seulement faire naître la réflexion en utilisant des procédés de réalisation très réalistes.
Dans ton film tu es acteur, réalisateur, scénariste, producteur. Comment as-tu fait pour jongler entre toutes ces casquettes sur le tournage ? Et pourquoi cette volonté d’être présent dans toutes les étapes du film ?
Oui, dans ce film je suis acteur, réalisateur, scénariste, producteur, directeur de casting, costumier et compositeur de certaines musiques avec Jeremy. À la base, le fait que je touche à tout était une contrainte. Il y a eu un gros manque de considération à mon égard. Quand on appelait des professionnels pour contribuer au projet, ils rigolaient et nous disaient : “Non, ça ne va jamais marcher”. On s’est donc retrouvé obligés de gérer tout ça et finalement on a kiffé, Fièvre devenait vraiment notre bébé. Je fais aussi difficilement confiance et Jeremy était la seule personne en qui j’avais vraiment confiance.
As-tu une préférence entre tous ces rôles ?
C’était vraiment kiffant de tout faire et d’apporter notre touche partout. Je n’ai pas eu de moment mieux qu’un autre, j’ai vraiment tout aimé. En revanche je place jouer à part, c’est ce que je préfère par-dessus tout.
As-tu une expérience de tournage qui t’as particulièrement marqué ?
Le tournage de la dernière scène de Fièvre m’a particulièrement marqué. Quand je pleurais, cela à fait pleurer plein de monde, même ma maquilleuse. Ils ont eut peur tellement la scène avait l’air réaliste ! Tout le monde pleurait, on n’arrivait plus à s’arrêter, on était trop contents d’avoir fini ce film. C’était un moment fort pour moi.
Tu as eu des soucis pour le tournage du film, suite aux interdictions des municipaux de Athis-Mons. Peux-tu nous en dire un peu plus ?
Oui on a eu beaucoup de soucis, on était face à une mairie fermée d’esprit qui n’en avait rien à faire de notre projet. On leur a parlé pendant 4/5 mois, avec des rendez-vous officiels pour préparer le tournage. On leur a même proposé d’intervenir et de les mettre en avant à l’approche des élections, montrer qu’ils aidaient les jeunes de la ville… Puis il s’est passé quelque chose d’étrange : la police nous a convoqués pour nous menacer, en nous disant qu’on ne ferait jamais ce film. Sur le coup ça m’a fait rire, car ce sont des personnes qui ne sont pas décisionnaires, j’ai pris ça pour de simples menaces. Ils nous ont envoyé un mail en disant que le scénario n’entrait pas en vigueur en raison de la politique de la ville : de la censure alors qu’on est en France ! On s’est battus contre tous les obstacles pour pouvoir tourner ce film, heureusement tout cela s’est bien terminé.
As-tu des projets à venir dont tu pourrais nous parler ?
Oui, j’ai joué dans un film qui s’appelle L’horizon et qui sortira début 2021. Je tourne également bientôt dans d’autres projets dont je ne peux pas encore parler. Enfin, j’aimerais bien faire Fièvre en long métrage.
Quel conseil pourrais-tu donner aux gens passionnés de cinéma qui souhaitent réaliser ou trouver leur place dans ce milieu ?
Le conseil que je peux donner est que la seule personne qui peut vraiment vous arrêter et vous démotiver c’est vous-même. Il faut foncer même si c’est dur. Si on bosse avec une bonne intention, qu’on est acharné et déterminé, ça ne peut que le faire !
Plus d’informations sur le site du film Fièvre.
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